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différents genres littéraires hiérarchie

Les sous-genres du roman sont-ils tous égaux ?

As-tu un a priori sur certains sous-genres de roman ou sur les publications de certains éditeurs ? As-tu tendance à dénigrer la romance ou peut-être la science-fiction ? Bref, à établir une hiérarchie entre les genres.

Si c’est le cas, demande-toi si tu perpétues une idée qui t’es restée depuis le collège. A savoir, que les auteurs classiques et la littérature généraliste sont au-dessus du lot. Ou si c’est bien ta propre conclusion suite à la lecture de nombreux romans de genre qui t’ont déçu.

La hiérarchie entre les genres n’est pas nouvelle et les clichés sur la littérature de genre ont la vie dure.

Et si l’on remettait en question une bonne fois pour toute la pertinence de prendre le genre littéraire comme critère de qualité d’un roman ?

La genèse de la littérature blanche

La littérature blanche vs la littérature noire

Partons pour la seconde moitié du XIXe siècle et la popularisation des histoires de crime et de mystère.

Si les histoires policières, les récits fantastiques ou les épopées amoureuses sont bien sûr antérieures à ce repère temporel, c’est bien dans la seconde moitié du XIXe siècle que se cristallise une dichotomie de vocabulaire.

D’un côté se trouve la littérature des élites, une littérature sérieuse et prescriptive, et de l’autre une littérature populaire qui met en scène des enquêtes policières selon un schéma narratif qui se répète d’une œuvre à l’autre.

C’est la naissance du roman policier tel que nous le connaissons aujourd’hui, vendu dans des collections dites noires. Par opposition, la littérature généraliste devient la littérature blanche.

En 1911, Gallimard consacre l’expression en créant la Collection blanche dont le prestige n’a jamais fléchi.

Une hiérarchie des classes en arrière plan

Le débat sur la valeur et la qualité littéraire des différents genres est ancré dans la fracture sociale et la méfiance envers les classes populaires.

En 2021, un discours collectif de mépris sur certains genres littéraires persiste. En contrepartie, la littérature généraliste est mise sur un piédestal. C’est un héritage direct de cette scission entre littérature savante et littérature populaire du XIXe siècle.

Les élites défendent l’idée que la littérature doit élever l’âme, s’inscrire dans la quête du Beau mais aussi de l’érudition. Les autorités rajoutent la dimension morale, craignant des textes qui pourraient pervertir le peuple… et créer l’agitation.

Le professeur de littérature française Jacques Migozzi, dans son article « Littérature(s) populaire(s) : un objet protéiforme« , publié dans La Revue Hermès de février 2005, le résume de la manière suivante.

La condamnation des « mauvais genres », qui construisent leur succès sur des ressorts troubles : passion, déraison, sexe, effroi…, trahit en fait l’inquiétude sinon la répulsion des élites, dans la société moderne née de la grande fracture révolutionnaire, face aux conséquences politiques, sociales et culturelles de la démocratie, et notamment l’avènement irrésistible d’un large lectorat « illettré » au cœur de l’espace public grâce à la « révolution silencieuse » de l’alphabétisation de masse.

Jacques Migozzi, « Littérature(s) populaire(s) : un objet protéiforme » in Hermès, février 2005.

Que reproche-t-on aux sous-genres du roman ?

L’antagonisme entre polar et littérature blanche s’est vite étendu aux autres sous-genres du roman.

La romance en particulier est la risée d’un certain type de lecteurs qui la targuent de sous-littérature.

Si la composante « littérature populaire » est toujours à garder dans un coin de notre tête, quels sont les reproches plus directs que les défenseurs de la « vraie », de la « bonne » littérature font à la littérature de genre ?

  1. Pas assez de recherche sur le texte, un auteur qui écrit mal, qui n’écrit pas comme un écrivain de blanche qui lui réfléchit chaque mot et qui sublime la langue française. Qui donne vraiment part égale à l’histoire et au travail sur le texte.
  2. Des histoires qui divertissent mais n’apprennent rien au lecteur. Qui suivent des schémas narratifs pré-machés, mais donc qui forcément sont toutes les mêmes et sont faciles à écrire.

Le genre n’est pas gage de qualité

Pour peu que l’on prenne le temps de lire un panel suffisant de livres des sous-genres du roman, on constatera facilement que ce premier rapproche est sans fondement.

Il y a des plumes exceptionnelles en littérature de genre, comme il y a des plumes exceptionnelles en littérature généraliste. Certaines plumes sont plus consensuelles et plus modestes en littérature de genre, et d’autres ne font pas les gros titres en littérature blanche.

Il est intéressant de prendre en compte le facteur commercial : la littérature généraliste représente plus de 50% des ventes du roman adulte. Les auteurs de blanche auront toujours cette distinction supplémentaire qu’ils ont le plus large public. De même, les prix littéraires de littérature blanche auront la plus grande renommée, surtout les prix qui sont déjà illustres.

Le schéma narratif ne fait pas toute l’œuvre

Les littératures de genre suivent des codes. Cela est indéniable : c’est tout le principe de la littérature de genre que de suivre un horizon d’attente du lecteur.

Il y a un caractère prévisible que n’a pas la littérature généraliste.

Mais ce parti-pris d’attributs qui se répètent d’une œuvre à l’autre rend-il pour autant les romans de genre plus faciles à écrire et moins recherchés ?

Je défie toute personne qui le pense d’écrire un roman policier ou un roman de science-fiction. Il n’est pas plus aisé de devoir composer avec une grille d’éléments que de partir sans repère. Cela dépend entièrement de ce que préfère l’auteur.

La littérature peut-elle divertir ?

Le débat entre bonne et mauvaise littérature, bons et mauvais genres, pose toujours la question de la fonction de la littérature.

On reproche à la littérature de genre de n’être là que pour divertir le lecteur, alors que la grande littérature l’instruit et l’élève. Cette pure fonction de divertissement et l’absence supposée d’un travail suffisant sur le texte la fait entrer dans le giron de la paralittérature.

La paralittérature rassemble tous les textes au statut littéraire incertain. Soit tout texte dont « l’ambition littéraire semble céder le pas au plaisir immédiat du lecteur ou à l’appât du gain » (petite définition Wiki).

Je ne prétends pas trancher à ta place ou à la place d’illustres universitaires, mais il est intéressant de te poser la question.

Et si le rôle de la littérature, en général, était avant tout de divertir ? Et surtout, et si la littérarité d’un texte n’était pas prédéterminée par le genre ou le facteur de divertissement ?

Syndrome de l’imposteur et sous-genres du roman

Si tu te surprends à minimiser ton livre parce que ce n’est « que de la romance », je t’invite vraiment à remettre en cause ces idées très arrêtées sur ce qui est la littérature pour te libérer du poids de devoir te conformer à quelque chose qui n’est pas l’histoire que tu veux écrire.

Tu es tout autant auteur si tu écris en littérature généraliste que si tu écris en littérature de genre.

C’est le travail, le temps, l’énergie et la passion que tu mets dans ton roman qui font de toi un auteur, et pas le choix du genre littéraire.

Pense à ton histoire que tu aimes, qui te fait sourire, qui te fais vibrer, et sois convaincu qu’elle vaut le coup d’être partagé.

Même si tu n’as pas un prix Goncourt ou un contrat avec Actes Sud, tu vas toucher des lecteurs, tu vas apporter des émotions et un voyage à tes lecteurs.

Les grands points de la conversation :

– La naissance de la littérature de genre
– Sous-genres du roman et lutte des classes
– La qualité littéraire d’un texte
– Les chiffres de la publication par genre
– La légitimité de la littérature blanche encore aujourd’hui

Bibliographie :

Marc ANGENOT, « Qu’est-ce que la paralittérature ? », dans Études littéraires, vol. 7,‎ avril 1974.

Loïc ARTIAGA (dir.), Le roman populaire en France (1836-1960). Des premiers feuilletons aux adaptations télévisuelles, Éditions Autrement, Paris, 2008.

Alain-Michel BOYER, Les Paralittératures, Armand Colin, 2008.

Jacques MIGOZZI, « Littérature(s) populaire(s) : un objet protéiforme », in Hermès, La Revue, 2005/2 (n° 42), pages 93 à 100.

Lise QUEFFÉLEC, Le Roman-feuilleton français au XIXe siècle, PUF, coll. « Que sais-je ? » no 2466, Paris, 1989.

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2 Comments

  1. Merci beaucoup pour ce podcast. Je suis en plein blocage, et je me demande si c’est pas exactement le sujet de mon blocage : me sentir illégitime.

    • LICARES Reply

      C’est vraiment le premier frein à l’écriture pour beaucoup d’auteur. Courage ! Dis-toi qu’il n’y a pas de diplôme qui fait de toi un auteur. Ta légitimité est avant toute chose dans ta passion 🙂

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